Espacethique : Emmanuel Levinas

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Conflit (Le billet d'humeur)

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La mort de l'autre homme me met en cause et en question comme si, de cette mort invisible à l'autre qui s'y expose, je devenais, de par mon éventuelle indifférence, le complice; et comme si, avant même que de lui être voué moi-même, j'avais à répondre de cette mort de l'autre, et à ne pas laisser autrui seul à sa solitude mortelle. C'est précisément dans ce rappel de ma responsabilité par le visage qui m'assigne, qui me demande, qui me réclame, c'est dans cette mise en question qu'autrui est prochain.

E. Lévinas, Philosophie et transcendance (AT, 45)

Dans tout conflit il y a une dimension qui interpelle l'insoutenable équilibre entre paix et justice, richesse et pauvreté, misère et grandeur. Quand le conflit s'installe et devient guerre entre les nations (honneur pour un drapeau?) c'est la vie de l'autre homme qu'il convient de sauver.

En situation de conflit, chaque silence permet la naissance de nouvelles terres d'exil, de nouveaux ghettos, voire de "tiers" ou "quart" monde. Dans la guerre, c'est toujours autrui qu'on tue; même si cette guerre est menée avec bonne conscience et au nom de nécessités historiques.

En situation de conflit, le sujet ne peut pas se soustraire au visage d'autrui ou à celui du tiers. La guerre est la tombe de toutes les idéologies, de tous les systèmes, de toutes les religions et organisations sociales.

Comment sortir du conflit? Comment passer de cette suffisance personnelle à l'altérité radicale? Comment délaisser la guerre avec bonne conscience au nom des nécessités historiques à l'éveil d'une conscience (mauvaise conscience?) qui interpelle ma responsabilité?

Dans cette relation à l'autre homme -à la pluralité humaine-, dans l'impuissant affrontement avec la mort d'autrui, la responsabilité éthique me provoque au "me voici". Acteur ou spectateur, c'est à l'homme de sauver l'homme, de répondre de la vie de l'autre homme.

Cette présence à autrui, l'acceptation de ce face-à-face n'est pas facile. Cette présence est le difficile travail d'une liberté qui va vers l'Autre sans se soustraire à sa faiblesse. Cette présence est bonté première, bienveillance qui ouvre un chemin sans le délimiter au même moment par un mur. Cette présence est l'idée d'un possible qui n'enferme pas par avance l'impossible.

Le temps du conflit.

Temps de la droiture du visage.

Temps de la bienveillance première.

Temps du "bonjour" et de "l'après-vous".

Temps du dialogue sur les hauteurs.

Temps de la transcendance.

Temps de l'homme.

Temps pour l'homme de sauver l'homme