Espacethique : Emmanuel Levinas

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Justice (Lévinas de A à Z)

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La Justice est nécessaire pour que l'acte d'autrui soit jugé objectivement (sans aveuglement) non par Moi (un Moi qui s'érigerait en juge deviendrait vite Bourreau, chef craint sans être respecté) mais par "tous les hommes". La Justice représente ce "tous les hommes", elle s'établit en même temps que la relation inter-humaine et non consécutivement. Par elle, le tu devient il, c'est-à-dire autre pour les autres, objet de savoir, d'enquête, de comparaison, visage dé-visagé.

François Poirié, Emmanuel Lévinas, p. 53

En société, la justice à l’égard de l’autre homme s’exerce au cœur d’une proximité radicale avec le prochain. Cette proximité n’est pas secrète et intime, mais multiple et sociale[1].

La justice se mesure dans la relation à autrui où le tiers est présent[2]. Elle est l’œuvre de miséricorde des individus et des institutions. Les institutions organisent l’exercice des libertés individuelles. Les individus régulent le pouvoir des institutions et assument en conscience toutes défaillances structurelles.

La vie en société suppose des lois et des institutions pour rythmer les rencontres humaines. Mais c’est à chaque être humain qu’incombe l’impérieux devoir du respect des droits de l’autre homme et de la mise en œuvre d’une justice de proximité.

La justice fonde les institutions et la conduite morale la subjectivité responsable[3].

L’intuition fondamentale de la moralité consiste peut-être à s’apercevoir que je ne suis pas l’égal d’autrui ; et cela dans le sens très strict que voici : je me vois obligé à l’égard d’autrui et par conséquent je suis infiniment plus exigeant à l’égard de moi-même qu’à l’égard des autres. «Plus je suis juste, et plus je suis sévèrement jugé», dit un texte talmudique. Dès lors, il n’existe pas de conscience morale qui ne soit pas une conscience de cette position exceptionnelle, qui ne soit pas une conscience de l’élection[4].



[1] Cf. ELP 111.
[2] «Dès lors, la métaphysique se joue là où se joue la relation sociale –dans nos rapports avec les hommes. Il ne peut y avoir, séparée de la relation avec les hommes, aucune ‘connaissance’ de Dieu. Autrui est le lieu même de la vérité métaphysique et indispensable à mon rapport avec Dieu. Autrui n’est pas l’incarnation de Dieu, mais précisément par son visage, où il est désincarné, la manifestation de la hauteur où Dieu se révèle» : TI 77.
[3] Cf. O. Abel, La responsabilité incertaine : Esprit 206 (1994) 25-26.
[4] DL 39.