Espacethique : Emmanuel Levinas

http://espacethique.free.fr/

Conscience (Lévinas de A à Z)

elevlogo.gif

Comment commence-t-on à penser ? Par des questions qu’on se pose à soi-même et de soi-même, à la suite d’événements originels ? Ou par les pensées et les œuvres avec lesquelles on entre d’abord en contact ?

Cela commence probablement par des traumatismes ou des tâtonnements auxquels on ne sait même pas donner une forme verbale : une séparation, une scène de violence, une brusque conscience de la monotonie du temps. C’est à la lecture des livres – pas nécessairement philosophiques – que ces chocs initiaux deviennent questions et problèmes, donnent à penser. Le rôle des littératures nationales peut être ici très important. Non pas qu’on y apprenne des mots, mais on y vit « la vraie vie qui est absente » mais qui précisément n’est plus utopique. Je pense que dans la grande peur du livresque, on sous-estime la référence

E. Lévinas, Ethique et Infini. Dialogues avec Philippe Nemo, Paris 1982, p.11


 

Avoir conscience, c’est être en relation avec ce qui est dans l’instant présent, c’est-à-dire pour le moment , et qui se limite à l’expérience première d’un dés-astre. Dans la vie d’Emmanuel Lévinas, elle prend la force du témoignage de celui qui a vu et qui ne peut plus se taire.

Lire Lévinas «ne menace pas de mort» , mais fait prendre conscience au savoir de sa finitude –écrire, c’est mourir– et au corps de sa séparation –c’est-à-dire de vivre quelque part de quelque chose .

Comment commence-t-on à penser ? A l’instar de l’il y a , le réalisme du roman russe et le pressentiment du danger du national-socialisme provoquent chez Emmanuel Lévinas un éveil de la conscience . Durant toute son œuvre philosophique et métaphysique, l’auteur cherchera à transcrire en des mots l’insensé d’une existence où la vraie vie est absente. Ce qui fait la grandeur d’Emmanuel Lévinas, c’est d’avoir accepté de formuler de manière nouvelle des principes éthiques à partir de l’insupportable de la vie, de l’inassumable. Ce qui en lui mérite tout notre respect, c’est sa maîtrise de la parole et son ingénuité pour l’enseigner.

C’est seulement en abordant Autrui que j’assiste à moi-même. [...] Etre attentif signifie un surplus de conscience qui suppose l’appel de l’Autre. Etre attentif c’est reconnaître la maîtrise de l’Autre, recevoir son commandement ou plus exactement recevoir de lui le commandement de commander .

TI 194

Réfléchir à l’histoire humaine et à ses ruptures semble être une utopie, surtout si ces dernières sont le produit de conflits belliqueux ou à l’origine de génocides incroyables. Le regard humain sur l’histoire n’est pas neutre. Transcrit dans des mots et en un récit, il donne aux faits historiques la dimension de faits de société. Regarder c’est juger. Nommer c’est arracher l’événement à son contexte et en faire un sujet de discours.

Dans cette complaisance pour la mortalité que l’on appelle la conscience historique, il s’agit pour chacun d’attendre l’heure, certes périssable, mais unique, de se tenir à la hauteur du temps qui échoit, de deviner l’appel qu’il vous adresse. Répondre à l’appel de l’instant périssable! Il ne faut pas arriver trop tard.

DL 271

Comment survivre avec la mort dans l'âme? Le survivant Lévinas ne trouve la paix que dans une liberté qui prend conscience de sa propre responsabilité en présence d'autrui. La conscience accède à la conscience morale en rendant possible la justice sociale.

L’expérience fondamentale que l’expérience objective elle-même suppose — est l’expérience d’Autrui. Expérience par excellence. Comme l’idée de l’Infini déborde la pensée cartésienne, Autrui est hors proportion avec le pouvoir et la liberté du Moi. La disproportion entre Autrui et Moi — est précisément la conscience morale. La conscience morale n’est pas une expérience de valeurs, mais un accès à l’être extérieur; l’être extérieur par excellence, c’est Autrui. La conscience morale n’est pas ainsi une modalité de la conscience psychologique, mais sa condition et, de prime abord, son inversion même, puisque la liberté qui vit par la conscience s’inhibe devant Autrui, lorsque je fixe véritablement, avec une droiture sans ruse ni faux-fuyants, ses yeux désarmés, privés absolument de protection. La conscience morale est précisément cette droiture. Le visage d’Autrui met en question l’heureuse spontanéité du moi, cette joyeuse force qui va.

Hic et Nunc, DL 377

Avec Lévinas, le sujet se construit dans la trace de l'Autre. La conscience est l'idée d'un possible où sommeil l'impossible. La conscience humaine, c’est pouvoir comprendre qu’au plus profond de la faim réside l’aveuglement de l’âme et, au cœur de l’opulence, la nécessaire compromission du libre arbitre.

Pour poursuivre la recherche :