Espacethique : Emmanuel Levinas

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Réécriture (Le billet d'humeur)

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Avertissement !

Pour Emmanuel Lévinas, le principe des lectures talmudiques consiste à interroger les textes de la tradition juive (Talmud, Thora) en fonction des problèmes des hommes modernes. L'interrogation porte autant sur la tradition écrite qu'orale.
Sans plagier notre auteur, risquons nous donc à un exercice de "réécriture" autour des derniers événements survenus en France, principalement dans les banlieues, et qui exposent "les dommages causé par le feu".
Le titre n'est pas choisi au hasard. Dans notre propos, il s'agira bien de reprendre en écho la cinquième leçon présentée dans le cadre des conférences prononcées au cours des Colloques des intellectuels juifs de langue française entre 1969 et 1975 et publiée dans le volume "Du Sacré au Saint. Cinq nouvelles lectures talmudiques".
A travers ce procédé de réécriture, nous souhaitons nous approprier les derniers événements de l'actualité pour rappeler en dernière analyse que la responsabilité éthique consiste à chercher le Saint et le Sacré du côté de l'autre homme.

Billet d'humeur : Réécriture

Autour du feu !

De prime abord, les derniers événements survenus dans les banlieues ne correspondent pas à des situations de temps de guerre; et ce, alors même que l'état d'urgence et la mesure de couvre-feu résonnent étrangement dans les consciences.

Il n'est pas question de guerre, mais du feu destructeur, et, au-delà, de l'autrement qu'être français, de l'humanisme de l'autre homme, du proche et du lointain, du pauvre et de l'étranger, de l'entre-nous, du dire et du dit -tout cela causant de la souffrance inutile.

Au regard des dommages causés par le feu on ne peut que questionner de manière nouvelle l'étendue des responsabilités personnelles. Une responsabilité qui s'étend même au dommage "causé aux biens non exposés à la vue". On nous montre des carcasses de voitures, des poubelles calcinées. On nous dit qu'on a touché à des biens "sacrés". On réaffirme "la responsabilité pour un dommage causé par un sinistre, dû certes à la liberté humaine, mais qui, comme feu, échappe aussitôt aux povoirs du coupable [...] Mais parlons-nous de la guerre? Ne sommes-nous pas en temps de paix?"

Au-delà du raisonnable, il y a la folie. Folie de croire que dans les lieux saints (mosquées, synagogues et églises) puissent naître les idéologies et les utopies meurtrières. Folie de constater que la jeunesse puisse se laisser animer par la vision du feu. Folie de découvrir, une fois de plus, "sur un arrière-plan de mutation sociale due à l'insurrection des jeunes consciences contre [...] l'inégalité des chances dans la vie sociale" (cf. M.A. Lescourret) que les institutions sont contestées.

Comme au temps des événements de mai 68, d'aucuns, à la suite de notre philosophe, s'indigneront (à juste titre) devant l'intolérable des faits divers actuels. Mais, ne nous y trompons pas. Nous ne sommes pas en guerre. Par contre, notre responsabilité, au coeur de l'ici et maintenant, consiste bien à continuer d'être "un homme pour l'autre homme".

12 novembre 2005
G.S.