Espacethique : Emmanuel Levinas

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Bonté (Lévinas de A à Z)

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La Bonté. Sans doute le mot du "vocabulaire" lévinassien le plus difficile  à entendre tant il semble décrié aujourd'hui où l'individualisme et l'égotisme orgueilleux s'imposent comme les dernières valeurs d'un Occident qui masque ainsi ses blessures et ses peurs, et tente par cette feinte d'oublier, en vain, son malaise et sa mauvaise conscience.
Qu'est-ce que Lévinas entend exactement par ce mot "Bonté"? La bonté ne se contente pas d'un vouloir-faire-le-bien. Ce n'est pas une charité calculée et distillée soigneusement à petites doses qui attendrait une reconnaissance, voire un "salut". Ces actes de bonté doivent au contraire être faits dans la gratuité et dans la conscience de leur insuffisance. Je ne suis jamais assez bon puisque autrui continue de souffir.
Mais cette bonté, cette gratuité ne sont pas non plus candides, car à ce moment-là elles seraient inefficaces: 'Il faut désirer le bien de tout coeur et, à la fois, ne pas le désirer simplement dans l'élan naïf du coeur', affirme Lévinas."

François Poirié, Emmanuel Lévinas, p. 53

Lévinas a été marqué par l'ouvrage de Vassili Grossman. Pour lui, l'idée de bonté est ce qui reste quand toutes les institutions se sont effondrées. Quand il n'y a plus rien d'autre que l'humanité de l'autre humain, alors dans cette absence de toute morale, il y a "la petite bonté".

Il y a quelque chose de positif dans ce livre [Vie et Destin] aussi; de positif, de modestement consolant, ou de merveilleux, il y a précisément la bonté; la bonté sans régime, le miracle de la bonté, la seule chose qui reste. Mais la bonté apparaît dans certains actes isolés; comme, par exemple, ce mouvement extraordinaire l'un de ceux qui terminent ce livre où une femme, la plus méchante, et la plus misérable, dans une foule déchaînée contre un Allemand vaincu le plus détesté dans un groupe de prisonniers lui donne son dernier morceau de pain. Horrible scène où les captifs sortent d'une cave les cadavres de ceux qu'ils avaient torturés et assassinés, et voici un acte d'une bonté extérieure à tout système.

E. Lévinas

Bonté qui échappe à toute idéologie, à toute récupération "charitable". Bonté qui est humanité première, responsabilité avant tout ordre moral.

Cette bonté échappe à toute idéologie, il dit "on pourrait la qualifier de bonté sans pensée". Pourquoi sans pensée? Parce que c'est la bonté hors de tout système, de toute religion, de toute organisation sociale. Gtratuite, cette bonté-là est éternelle.

Ce sont les esprits faibles qui la défendent et qui oeuvrent pour qu'elle se perpétue d'un être à l'autre. Elle est si fragile devant la puissance du mal.

E. Lévinas, La proximité de l'autre (AT, 117)